Le film de Sissako me laisse perplexe: plastiquement, il est très beau (trop?) mais son propos est ambigu. Je ne peux m'empêcher de me poser trois questions à son sujet.
1. La famille touareg, si belle, si sympathique, de quoi précisément tire-t-elle ses revenus ? Monsieur et madame restent mollement allongés sous leur tente, discutent, sourient, grignotent, tandis que leur vache GPS est (mal) gardée par un petit garçon.
2. Le héros malheureux de l'histoire (le touareg en question) est tout de même le meurtrier d'un pêcheur. Même dans nos contrées civilisées, il serait puni à la suite d'un procès. Le but du film est-il seulement de dénoncer la peine de mort à laquelle il est condamné?
3. Le fait de présenter des djihadistes "humains", parlant foot, se cachant pour fumer, incapables de riposter à un imam qui tient des propos pertinents à leur encontre ou à une poissonnière qui n'a pas sa langue dans sa poche, est-il judicieux? Toutes proportions gardées, c'est un peu comme si on nous disait que les nazis étaient de bons pères de famille, qui aimaient leurs chiens et la musique...
Le buisson sur la dune, tel un pubis, sur lequel s'acharne la mitraillette d'un islamiste est une métaphore un peu trop appuyée de la peur de la femme éprouvée par ces fiers-à-bras adeptes du voile et des gants pour l'autre sexe...
Tous ces points m'ont considérablement gêné pendant la projection et m'ont privé d'une adhésion totale à ce film.
Un grand moment cependant: les gamins qui jouent au foot sans ballon, puisque le sport est interdit par les intégristes. Dans cette scène, l'enjeu est clair et c'est vraiment du cinéma.
Les propos tenus par le réalisateur dans Positif sont également sujets à discussion: à la question de savoir quand une intervention étrangère est justifiée dans un pays injustement envahi, Sissako répond: "Quand il y a unanimité." Le concept d'unanimité me laisse perplexe...