Le système scolaire japonais est impitoyable. Pour être admis dans une "bonne " école primaire, un enfant est obligé de mentir, de faire croire au jury qu'il mène une vie familiale exemplaire et qu'il a passé notamment une partie de ses vacances scolaires à faire du camping avec son père attentionné; l'examen d'entrée terminé, le père, qui a assisté à l'entretien, s'étonne de découvrir qu'il aurait passé ses congés sous la tente avec son rejeton. Celui-ci lui révèle alors que c'est son "professeur du soir" chargé de l'entraîner à l'épreuve qui lui a conseillé de présenter cette image de la famille idéale pour être accepté dans cette école recherchée... Cette scène inaugurale fait froid dans le dos...
Pourtant, l'intrigue qui va être immédiatement mise en place dès la seconde scène semble inspirée de La vie est un long fleuve tranquille: il s'agit en effet d'une histoire de substitution d'enfants. Mais on est loin de la comédie avec le film de Hirokazu Kore-eda: c'est une réflexion délicate et approfondie sur la filiation. Qu'est-ce qu'être père? Le père est-il simplement le géniteur qui a donné de sa semence ou celui qui a donné de son temps à l'enfant? La réponse est loin d'être évidente et la prise de conscience du père, déçu de voir que son fils n'est pas l'ambitieux qu'il est lui-même, sera douloureuse: il en viendra à être soulagé d'apprendre que si "son fils" lui ressemble si peu, c'est qu'il n'est pas le sien; mais il aura les pires difficultés à se faire admettre par son "vrai" fils, habitué à un tout autre type d'éducation et à une famille chaleureuse.
Les deux familles |
Parfois, l'opposition entre les deux familles est un peu trop appuyée: l'une froide, vivant dans un univers aseptisé avec apprentissage obligatoire du piano, l'autre vivant dans une bohème sympathique où le père partage les bains et les jeux de ses enfants; parfois aussi, la mise en scène trop explicite gagnerait à être plus fine: ainsi quand les deux chemins, l'un emprunté par l'un des pères, l'autre suivi par l'un des fils, finissent par se rejoindre; parfois enfin, un thème n'est pas suffisamment exploité: par exemple, celui de la fratrie; certes, l'un des pères a des relations conflictuelles avec son frère, mais pratiquement rien n'est dit du désir que pourrait ressentir un enfant non seulement de rejoindre le papa et la maman qui l'ont "élevé", mais aussi ses frères et sœurs avec qui il a tout partagé.
Malgré ces petites réserves, nous avons là un excellent film qui nous invite sans didactisme, sans réponse toute faite, à réfléchir à des problèmes existentiels et essentiels. Les acteurs sont formidables: les mères particulièrement et l'interprète du rôle principal qui est un chanteur très connu au Japon: Masahuru Fukuyama (quand on regarde certains de ses clips, on est surpris de la métamorphose...)
Quelques scènes du film, qui a obtenu le Prix du Jury au dernier Festival de Cannes, resteront gravées dans notre mémoire: celle de la sélection scolaire mentionnée plus haut; celle aussi de la révélation sur les circonstances de la substitution des enfants à la maternité; celle, enfin, où un enfant adopté se dresse violemment pour protéger "sa mère" contre celui qu'il considère comme un agresseur: ce dernier lui indique que le problème qui l'oppose à sa mère ne le concerne pas et l'enfant rétorque : "Cela me regarde parce que c'est ma mère!"
Les deux pères |
Les deux mères |
Le père partageant le bain des enfants |
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