Après l'angoissant et paranoïaque Take Shelter, l'épique et magnifique Mud, puis le décevant et fumeux Midnight Special, Jeff Nichols a opté pour le classicisme et la mesure d'un film de commande: Loving. Scénario au cordeau, interprétation solide, voire massive, message humaniste: tours les ingrédients sont réunis pour faire de cette histoire "inspirée de faits réels" une œuvre honorable, irréprochable. Comment rester insensible face à ce couple composé d'une Noire et d'un Blanc, qui osent s'aimer et se marier malgré la loi et la société américaine d'avant les droits civiques? Comment ne pas partager la lutte tranquille, obstinée, des époux Loving pour l'égalité et l'amour? Sans tomber dans le pathos, le réalisateur parvient à nous captiver, si ce n'est à nous émouvoir. Quelques belles scènes de fuite nous rappellent que Jeff Nichols sait filmer les traques. Il sait aussi filmer les paysages: ici, ce ne sont plus les spectaculaires rives du Mississippi, mais les modestes saisons de Virginie.
L'ensemble constitue une americana traditionnelle exaltant le territoire et la foi dans le rêve américain: l'amour et la raison triomphent.
Le plus intéressant est sans doute cette croyance inébranlable dans la victoire de la justice et de l'humanité: les avocats qui s'occupent de l'affaire Loving paraissent vaguement ridicules, voire incompétents, mais ils défendent une cause juste et noble qui, en Amérique, ne peut que vaincre.
Signalons que Michael Shannon n'a, pour une fois, ni les yeux exorbités, ni la mousse aux lèvres: il interprète un banal journaliste qui immortalise le vrai visage du couple. La meilleure séquence du film.