Voici un film intelligent, mais peu intéressant.
Rebecca Zlotowski a vu des films, plein de bons films, elle les a vus, revus, étudiés, elle les aime, c'est sûr, et elle aimerait en faire d'aussi bons. Elle a donc des idées mais ces intentions, elle a beaucoup de mal à les mettre en images et en mots. Bref, Grand Central est un film à thèse(s), mais déshumanisé. Ce qu'on pourrait appeler un film "intello", si le mot n'était pas aujourd'hui bêtement galvaudé.
Il me semble répondre à un double principe, et un film à principes n'annonce rien de bon.
Premier principe: l'allusion. Entre gens cultivés, entre cinéphiles de bon goût. Heureusement qu'il y a des gens cultivés et de goût, mais on ne leur demande généralement pas de faire des films ou des livres; on leur demande, et c'est déjà énorme, de les voir ou de les lire. Le titre fait allusion à la célèbre gare américaine, décor de tant de polars; le film, lui, se déroule dans et autour d'une centrale nucléaire. C'est de l'humour de salon. Les noms de Toni, de Manda rappellent les films de Renoir ou Becker, la grande époque où le cinéma français s'intéressait au "social". Rebecca Zlotowski, elle aussi, s'intéresse au social. Elle n'a pas tort bien sûr, mais les gros sabots ne sont pas de mise quand on s'aventure dans un monde qui, visiblement, n'est pas le sien.
Deuxième principe: un cheval, une alouette. Le scénario, passées les premières minutes d'exposition, les meilleures du film, est composé d'une alternance, rigoureuse comme un logiciel, de scènes documentaires tournées en numérique et se déroulant dans la centrale, et de scènes champêtres, filmées en 35mm. Pas une seule dérogation à cette véritable loi pour bien opposer, au cas où l'on n'aurait pas compris, les deux mondes: le vilain nucléaire et la belle nature.
Les critiques sont généralement bonnes; cependant, il y a quelques bémols: par exemple, Télérama publie un "pour" et un "contre"; d'autres journalistes évoquent le côté lourdingue du scénario, ou les maladresses du film.
Celui-ci est irréprochable quant à la thèse défendue mais il souffre cruellement d'un manque de chair, malgré les corps dénudés. Même Olivier Gourmet, toujours excellent, a du mal à donner de la consistance à son personnage d'ouvrier.
Donc, on s'ennuie devant ce film trop bien pensant.