La mère, enceinte, tape des lettres de licenciement adressées à ses collègues. Elle craint qu'un jour elle ne fasse partie, elle aussi, d'une charrette.
Le père ne réussit pas à faire des affaires. Il tente de vendre du verre incassable, mais il se brise au premier choc. Il fait alors le veilleur de nuit, le chauffeur de taxi.
Et le fils? Qu'est-ce qu'il fait le fils?
Il est à l'école, il ne fait que des bêtises, il est impoli, méchant, une vraie tête-à-claques. Est-ce une raison pour lui infliger des coups de bâton sur les fesses, en public, devant tout le collège réuni?
On est en 1997, à Singapour, et c'est la crise.
La famille, complètement dépassée, décide d'engager une jeune bonne originaire d'une province des Philippines nommée Ilo Ilo, pour "gouverner" le petit monstre.
Voilà le point de départ du film d'Anthony Chen qui a obtenu la Caméra d'or cette année à Cannes. Une dénonciation des conséquences terribles de la crise économique dans une famille de la toute petite bourgeoisie. Ou comment on trouve toujours plus faible que soi pour se venger des humiliations que l'on subit. Un film doux, calme, fluide, modeste, qui ne monte pas sur ses grands chevaux pour fustiger les désastres de nos sociétés; un film qui n'est pas celui d'un aigri, mais d'un observateur lucide, attentif, généreux. Et c'est de cette apparente "faiblesse" que naît l'extraordinaire force de ce que l'on prend, au départ, pour un "petit film" mais qui est, peut-être, un chef d'œuvre qu'ont su repérer les membres du jury dirigé par la grande (par le talent...) Agnès Varda.