Le problème avec Houellebecq, c'est qu'il est très malin. Insupportable et malin.
Insupportable, dès qu'il apparaît avec sa drôle de façon de tenir sa cigarette, presque aussi agaçant que la Nothomb et son chapeau. Comme si aujourd'hui, chaque écrivain se devait d'avoir son image de marque, une sorte de logo transportable.
Malin, parce qu'on ne sait jamais qui parle dans ses bouquins rédigés à la 1ère personne du singulier. Est-il vraiment ce narrateur raciste, prompt à dégainer des idées reçues gênantes de bêtise, ou au contraire est-il l'auteur lucide qui pourfend cette stupidité satisfaite d'elle-même?
Son récit Lanzarote a au moins le mérite d'être court et de pouvoir être lu en une demi-heure, chez Librio (2 euros). N'attendez pas de surprise: c'est la déjà vue mille fois histoire houellebecquienne, déprimante à souhait, qui a pour cadre un club de vacances ennuyeux comme un volcan éteint. Le narrateur, pour passer le temps qui ne passe pas, baise deux Allemandes lesbiennes (mais pas "exclusives") tout en essayant de remonter le moral d'un flic luxembourgeois qui vit en Belgique. Ce dernier, désespéré par ses origines, son métier et son pays d'adoption, sans doute aussi par des problèmes existentiels qu'on ignorera toujours, finira par rejoindre la secte des raéliens, puis sera emprisonné pour pédophilie. Le pittoresque, dont on sent à plein nez qu'il n'est là, comme disent les Anglais, que pour "choquer le bourgeois", est trop artificiel pour être honnête. Le tout en 50 pages chrono, rédigées "à l'arrache", avec des descriptions de l'île espagnole de Lanzarote d'une platitude rare; il paraît que l'édition originale était agrémentée de photos prises par l'auteur. Comme un bon élève qui veut se faire bien voir par les autres dans une cour de récréation, Houellebecq n'oublie aucun mot grossier (on a droit plutôt deux fois qu'une à la litanie: bite, couille, vagin, clitoris). Dans la lignée des Delerm (père et fils), il est aussi un spécialiste du name dropping, tant pour les noms de marques que pour ceux des écrivains. Son héros n'aime pas beaucoup Marie Desplechin, ce en quoi il n'a pas tort (je préfère le frère).
Mais, ces multiples motifs d'agacement mis à part, la question reste intacte: Houellebecq est-il le plus surfait des écrivains des deux derniers siècles (le nôtre et le précédent) ou est-il le Balzac contemporain qui a tout compris à notre époque?