lundi 1 juillet 2013

LES BIJOUX INDISCRETS







Dans le cadre d'un article à venir sur "Diderot écrivain érotique", j'ai été amené à étudier de près Les Bijoux indiscrets: dans le prologue, Diderot dédie son ouvrage à une lectrice imaginaire, Zima, qui semble fort intéressée par la littérature licencieuse de l'époque. J'ai donc lu à mon tour Le Sopha de Crébillon fils, L'Ecumoire ou Tanzaï et Néadarné du même et Les Confessions, pas celles de Rousseau mais celles, imaginaires, de Charles Pinot Duclos.  

Première constatation: ces oeuvres dégagent un certain ennui. Elles sont toutes basées sur le principe du catalogue et, après une scène dite érotique, suit une autre scène "érotique"; comme les combinaisons restent tout de même limitées, tant dans le nombre des participants que dans celui des positions adoptées, on a assez rapidement fait le tour de la question.
Deuxième constatation: l'importance des objets. Entre le bijou (autrement dit le sexe féminin), l'écumoire (le sexe masculin), le sopha (champ de bataille des amants), les auteurs semblent avoir pris un malin plaisir à voiler, à gazer (recouvrir de gaze) la réalité crue. C'est tout le charme de ces oeuvres d'être rédigées dans un style XVIIIème à la limite de la caricature. On aimerait parfois que les choses soient dites avec plus de clarté et moins suggérées dans le flou marivaldien. Voltaire disait de Marivaux qu'il "pesait des oeufs de mouche dans des balances en toile d'araignée." Une trouvaille amusante: dans le chapitre du "Bijou voyageur", Diderot raconte les pires "cochoncetés" (dixit Zazie)pornographiques en plusieurs langues, du latin à l'espagnol en passant par l'anglais et l'italien, sans un mot de français. Seule l'édition Folio a osé donner la traduction de ces propos lestes.
Sur ma lancée, j'ai lu Justine ou les malheurs de la vertu de Sade et L'anti-Justine de Restif de la Bretonne. Ce dernier qui voulait écrire un livre dans lequel le sexe ne serait pas synonyme de cruauté à l'égard des femmes, s'est interrompu en cours de route au tout début d'une phrase: "Elle." Il en avait sans doute assez de faire l'éloge enthousiaste de l'inceste, les papas couchant avec leurs filles, les papys avec leurs petits-fils, etc.
Nos illustres ancêtres avaient des fantasmes que plus personne n'ose exprimer aujourd'hui, à une époque où tout est pris tristement au sérieux. Cette littérature du deuxième rang est une joyeuse plaisanterie, un défouloir poli et élégant: les surréalistes, Breton en tête, l'avaient bien compris en considérant le marquis de Sade comme le champion de l'humour noir.