MENTION ASSEZ BIEN
En Roumanie, la pratique du tiers-temps (1/3 de temps supplémentaire par rapport à celui imparti à tous pour l'épreuve) accordé aux candidat(e)s au bac présentant un handicap physique permanent ou momentané n'existe pas. La jeune Eliza a été agressée la veille de l'examen et, blessée, il lui est impossible d'écrire à la vitesse qui lui permettrait de terminer son devoir correctement. Or, elle a absolument besoin de son bac pour obtenir une bourse d'études dans de prestigieuses universités anglaises où elle a été admise grâce à ses excellents résultats au lycée. Comment décrocher son bac avec une moyenne supérieure à 18/20 alors que l'on est dans l'incapacité accidentelle de rendre une copie réellement satisfaisante?
Voilà l'enjeu du dernier film de Cristian Mungiu, le réalisateur de 4 mois, 3 semaines et 2 jours et d' Au-delà des collines: Romeo, le père d'Eliza, va tout faire pour permettre à sa fille d'obtenir ce précieux passeport qui permettrait de quitter un pays dans lequel il avait, un moment, placé tous ses espoirs mais où ne règne plus maintenant qu'une corruption généralisée, banalisée.
La famille vit dans un pauvre appartement d'une cité sordide où, pour des raisons obscures, les vitres des fenêtres sont régulièrement brisées. En veut-on à ce médecin et pourquoi? Lui semble persuadé qu'il est suivi, menacé.
Le policier auprès de qui Romeo va porter plainte à propos de l'agression de sa fille lui conseille de s'adresser à un personnage influent qui a besoin d'un rein : le médecin pourrait sans doute placer son dossier au-dessus de la pile des candidats à la greffe. Au cours de ses démarches, Romeo va rencontrer le responsable du centre d'examen qui se propose de désanonymer par un signe la copie d'Eliza afin que le correcteur la repère et la surévalue.
Toutes ces opérations apparaissent aux yeux des protagonistes comme des services rendus, des gestes de bienveillance auxquels on répond par d'autres gestes de bienveillance. Nulle volonté de nuire; au contraire, le désir de faire plaisir en échange d'un cadeau à venir ou déjà offert. Un rein contre une bonne note.
Il faut ajouter que Romeo a une maîtresse, que celle-ci a un enfant mutique, qu'un des personnages transvase d'un bocal à l'autre les billes qui représentent les jours vécus et ceux qui lui restent à vivre, que le père soupçonne un moment le petit ami de sa fille d'avoir assisté à l'agression d'Eliza et de ne pas avoir réagi, qu'un chien est heurté par une voiture, etc, etc. A un moment, on a l'impression que la barque est un peu trop chargée et que la volonté de démonstration finit par se retourner contre le désir de peindre une humanité engluée dans une société pourrie. Sans mettre en doute l'authenticité des faits décrits, on peut éprouver un certain ennui à voir s'accumuler sur les personnages une telle somme de malheurs. La mise en scène, récompensée à Cannes, accentue l'impression d'étouffement désespéré, par une suite de longs plans séquences où les acteurs sont systématiquement filmés de profil. Il est alors difficile de s'intéresser vraiment à des personnages dont on ne capte pas le regard.
Restent des questions intéressantes: quand s'arrête la volonté d'être solidaire de son prochain et quand débute la corruption? où se situe la frontière entre la manipulation acceptable entre êtres humains et le délit? Eliza n'a-t-elle pas fini par obtenir du temps supplémentaire en pleurant devant son examinateur?