jeudi 26 septembre 2013

LA VIE D'ADELE

Léa Seydoux crache dans la soupe après avoir beaucoup souri à Cannes et remercié son réalisateur de lui avoir donné un aussi beau rôle. Je ne suis pas sûr qu'elle sorte grandie de cette affaire, d'autant plus que Kechiche dans Télérama nous apprend qu'il ne la sentait pas prête à "tout donner" sur le plateau et qu'il lui a proposé de quitter le film au bout de 21 jours de tournage; ce qu'elle a refusé pour aller jusqu'au bout de l'aventure. Toutes ces histoires ne sentent pas très bon, et n'importe quel spectateur est capable de voir la différence dans l'intensité du jeu de Léa Seydoux entre le bien pâlichon Grand central et la merveille qu'est La Vie d'Adèle.
Tout ou presque a déjà été dit sur ce film, Palme d'Or à Cannes. Je voudrais simplement faire remarquer que Kechiche est l'un des rares metteurs en scène, avec Cantet peut-être, à aimer l'école, à la filmer avec respect et tendresse, et à comprendre l'importance de la transmission. Il nous avait déjà offert L'Esquive il y a quelques années; ici, il nous fait entrer dans un lycée, puis une école maternelle. Les professeurs, les "instits" n'y sont pas, pour une fois, présentés comme de perpétuels humiliés par les élèves, les parents, l'administration. Les cours de Littérature se déroulent dans le calme, la concentration, et ce que disent les profs comme les élèves est intéressant. On parle de La Vie de Marianne, de La Princesse de Clèves. Adèle se délecte de ces lectures même si son petit copain, un matheux, a bien des difficultés avec ces "pavés" de 500 pages. Et le sérieux de ces activités d'"intellos" n'empêche pas les gamins de se défouler comme des bêtes dans les bars gays de Lille.
A la maternelle, Adèle se révèle une "institutrice" (et non "une professeure des écoles") qui, bien que débordée par ses problèmes personnels, reste attentive à ses "petits". On sent bien à travers ces scènes que Kechiche ne partage pas l'avis démagogique de tous ceux qui pensent que les enseignants sont des glandeurs. Sans doute doit-il beaucoup à ces hommes et à ces femmes qui lui ont permis de devenir ce qu'il est. Cela s'appelle de la reconnaissance, de la tendresse.


J'ai des difficultés à voir dans un tel artiste le tortionnaire que dénonce Léa Seydoux.... 

mercredi 18 septembre 2013

L'HISTOIRE DE L'ART

C'est sur les conseils de Michel Ciment, le "pape" de la critique cinématographique, que je me suis procuré le dernier tome de L'Histoire de l'art d'Elie Faure: L'art moderne. Pourquoi commencer par la fin? Les trois premiers volumes (L'art antique, L'art médiéval et L'art renaissant, auxquels il faut ajouter L'Esprit des formes) que j'ai rapidement feuilletés en librairie traitaient d'œuvres que je ne connaissais pas suffisamment et j'ai préféré débuter ma lecture par l'ouvrage où il était question, dès les premières pages, d'un de mes peintres favoris: Rubens. Lire des textes intelligents et clairs sur la peinture n'est pas chose courante. Ou bien on tombe sur des analyses techniques qui ne sont pas à la portée de tous, ou au contraire sur des comptes rendus subjectifs sans intérêt, car trop nombrilistes. Ici, Elie Faure, que je n'avais jamais lu auparavant, parvient avec des mots simples mais des phrases amples, à nous faire entrer dans une époque, un pays (Flandre, Hollande, Espagne, Angleterre, France, etc) et même dans le cœur (ou l'âme), en tout cas la vision d'un artiste. Jamais les tableaux ne sont platement décrits; jamais les vies des peintres banalement racontées; leurs tableaux ne sont pas "expliqués" en fonction de tel ou tel événement de leur existence. On est devant un texte fluide qui nous envoûte, qui met en perspective des couleurs, des paysages, des visages.
J'ai fait ensuite quelques recherches sur ce monsieur  Faure et j'ai découvert que c'était quelqu'un de bien ... et ça ne gâche rien.






 

 







mardi 17 septembre 2013

LE MAJORDOME

Certes, c'est un peu appuyé, démonstratif, naïf parfois, long par moments; mais voir évoluer la situation des Noirs américains depuis l'époque terrible de l'esclavage, illustrée par une scène très forte dès le début du film, jusqu'à celle de l'élection d'Obama, redonne confiance dans le genre humain, permet de croire que le progrès est possible. Le film de Lee Daniels touche surtout par sa peinture assez fine des rapports entre un père ancien esclave qui admet la compromission avec les Blancs pour tenter d'offrir à sa famille une vie meilleure et un fils intransigeant, violent, qui pense que pour tout "Nègre" tué, il faut abattre deux individus de la race ennemie. Les deux voies de la lutte finiront par se rejoindre dans un happy end trop "happy" sans doute et surtout trop ouvertement pro-Obama, comme si ce Président marquait la fin de l'Histoire, le triomphe indépassable. Toutes les scènes de conflits familiaux sont parfaitement réussies et on découvre une Oprah Winfrey absolument géniale: elle n'est pas qu'une animatrice de talk-shows... Ces Américains savent vraiment tout faire! On apprend aussi au passage que si Reagan était un homme politique campé sur ses positions racistes quant à l'apartheid en Afrique du Sud, il était également capable de verser en douce, en cachette de Nancy (Jane Fonda tordante!) et par l'intermédiaire de son majordome noir (Forest Whitaker), de l'argent pour les familles pauvres qui s'adressaient à lui.
Le Majordome n'est pas un chef d'œuvre mais un film honnête, fort bien joué: il semble beaucoup plaire au public, nombreux, et des spectateurs applaudissent à la fin de la projection.


jeudi 12 septembre 2013

ILO ILO

La mère, enceinte, tape des lettres de licenciement adressées à ses collègues. Elle craint qu'un jour elle ne fasse partie, elle aussi, d'une charrette.
Le père ne réussit pas à faire des affaires. Il tente de vendre du verre incassable, mais il se brise au premier choc. Il fait alors le veilleur de nuit, le chauffeur de taxi.
Et le fils? Qu'est-ce qu'il fait le fils?
Il est à l'école, il ne fait que des bêtises, il est impoli, méchant, une vraie tête-à-claques. Est-ce une raison pour lui infliger des coups de bâton sur les fesses, en public, devant tout le collège réuni?
On est en 1997, à Singapour, et c'est la crise.
La famille, complètement dépassée, décide d'engager une jeune bonne originaire d'une province des Philippines nommée Ilo Ilo, pour "gouverner" le petit monstre.
Voilà le point de départ du film d'Anthony Chen qui a obtenu la Caméra d'or cette année à Cannes. Une dénonciation des conséquences terribles de la crise économique dans une famille de la toute petite bourgeoisie. Ou comment on trouve toujours plus faible que soi pour se venger des humiliations que l'on subit. Un film doux, calme, fluide, modeste, qui ne monte pas sur ses grands chevaux pour fustiger les désastres de nos sociétés; un film qui n'est pas celui d'un aigri, mais d'un observateur lucide, attentif, généreux. Et c'est de cette apparente "faiblesse" que naît l'extraordinaire force de ce que l'on prend, au départ, pour un "petit film" mais qui est, peut-être, un chef d'œuvre qu'ont su repérer les membres du jury dirigé par la grande (par le talent...) Agnès Varda. 


jeudi 5 septembre 2013

HOUSE OF CARDS (suite)


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Après avoir vu les épisodes 4 et 5, je crois que finalement j'abandonne la série. Le rythme de lent est devenu franchement ennuyeux. L'intrigue se complique inutilement, on finit par ne plus rien comprendre au billard à 12 bandes de Kevin Spacey. La mise en scène se réduit à des champs-contre-champs. J'ai quitté l'écran 10 minutes; quand je suis revenu, l'histoire n'avait guère avancé... Bref, ça ne m'intéresse plus. "I quit" comme disent les Américians. Mes soirées du jeudi sont de nouveau libres.

HOUSE OF CARDS

Cette série américaine qui a fait ses débuts en France sur Canal + me paraît un excellent exemple de ce que j'avançais plus haut sur ce genre si prisé aujourd'hui. Le scénario de House of cards est tricoté aux petits oignons, passionnant, mais aussi impersonnel qu'un travail de fin d'année d'un bon étudiant sorti d'une des multiples écoles "d'écriture" des Etats-Unis. On sent vraiment que les leçons ont été bien apprises et bien restituées. Certes, le résultat est intéressant, les intrigues s'imbriquent idéalement, et on prévoit que les personnages vont se révéler plus complexes à chaque épisode.
Kevin Spacey est excellent, comme d'habitude, et sa partenaire aussi. Rien à dire d'une interprétation tirée au cordeau. La série Scandal était au contraire insupportable, les acteurs hurlaient et ne faisaient que courir, ce qui donnait un rythme artificiellement rapide aux épisodes. House of cards est adorablement lent, on a le temps de s'installer dans ses pantoufles.
Le problème vient de la mise en scène et est inhérent au genre. En fait, je crois avoir compris qu'il ne fallait surtout pas qu'il y ait mise en scène. Les acteurs doivent jouer leur texte et la caméra doit les filmer. Point final. C'est là la grande différence entre le cinéma et la télé, et ce qui fera que je ne pourrai me passionner avant longtemps pour les séries diffusées sur le petit écran. J'aime bien sentir la différence entre un film de Cronenberg, de Lynch, de Fincher. Ici, la différence entre les 2 premiers épisodes (réalisés par Fincher) et le 3ème était invisible: la loi du genre veut que la mise en scène ne se voit pas. Ce qui compte, c'est l'histoire, ses rebondissements, les personnages, les révélations qui nous sont distillées progressivement sur eux. Les apartés face caméra qui pouvaient passer pour une "invention" de Fincher (dont Labiche et consorts usent et abusent dans le vaudeville français du XIXème siècle) devient un procédé largement repris par la suite.



Je continuerai à suivre House of cards parce que l'histoire est bien racontée, mais on est loin d'une œuvre cinématographique personnelle. Et je suis loin d'être un défenseur du "cinéma d'auteur": simplement, il faut savoir garder la mesure. Les mots ont un sens: une série n'est pas une œuvre cinématographique. On peut adorer Michel Zévaco et ne pas le mettre sur le même plan que Marcel Proust.