Il est quelquefois étonnant de se retrouver presque tout seul de son avis: on se demande alors si tous les autres ont tort et si on est vraiment l'unique à avoir raison. C'est plus triste quand une personne que vous aimez bien, que vous estimez vous a conseillé un livre, ou un film, et que vous, vous ne l'appréciez pas du tout. Cette personne a-t-elle pour autant perdu votre respect? N'a-t-elle vraiment aucun goût? Le cas s'est présenté récemment avec le roman de l'islandaise Audur Ava Olafsdottir qui a obtenu un gros succès, des critiques élogieuses, et que des connaissances bien intentionnées à mon égard m'ont vivement recommandé. Le titre français est Rosa candida. Pour ma part, je n'ai trouvé aucun charme à ce récit d'une platitude rare, aussi bien par le sujet que par le style. "Style" est un bien grand mot, puisque, dans la traduction, le roman se compose d'une enfilade de phrases toutes construites sur le même modèle: sujet, verbe, complément. Quant au sujet, il est digne de ce que les Américains appellent une comédie sentimentale. Si vous aimez le romantisme dévoyé du XXIème siècle, cela vous plaira peut-être. Il y est question de fleurs, de papa qui s'occupe d'un enfant, etc. Autrefois, le rôle aurait été interprété, dans une adaptation cinématographique, par Hugh Grant; aujourd'hui, il le serait par Matt Damon, que j'aime beaucoup au demeurant. Pendant que je lisais le bouquin, et que je m'énervais, je me posais sans cesse la question: "Mais que peut-on bien trouver à ce roman?" Et je me demandais surtout comment les personnes qui me l'avaient conseillé avaient pu trouver des qualités à ce texte, non pas infâme ou indigne, mais seulement écrit comme une liste de commissions. Cependant, la préoccupation intime qui me taraudait vraiment était la suivante: "Et si c'était moi qui me trompais? Et si vraiment mon goût ne valait rien?" Une petite voix, tout au fond de moi, me murmurait: "Non, c'est toi qui as raison..."
vendredi 19 juillet 2013
ROSA CANDIDA
lundi 15 juillet 2013
QUAND LES TAMBOURS S'ARRETERONT
Le western est un genre qui n'est plus guère à la mode aujourd'hui; l'échec de Lone Ranger aux USA le démontre bien. C'est donc vers le passé qu'il faut se tourner lorsqu'on veut voir un bon film "de cow-boy", comme on disait autrefois. Quand les tambours s'arrêteront (Apache drums en VO) de Hugo Fregonese est étonnant à plus d'un titre: avant même le générique, les sempiternels cartons qui expliquent au spectateur la situation historico-géographique de l'intrigue sont interrompus par la voix rauque d'un Indien Mescalero rendant explicitement responsables de la misère de son peuple à la fois les gringos et les descendants des Espagnols, les premiers à s'être installés sur la terre sacrée des ancêtres et à l'avoir effrontément exploitée. Dans cet étrange film, rien ne se passe comme prévu et les personnages n'agissent jamais comme on s'y attendrait. Ils évoluent, ils changent, ils présentent des facettes différentes de leur caractère suivant la situation à laquelle ils sont confrontés. Le mauvais garçon, qui ne semble s'intéresser qu'à ses intérêts personnels, se révèle un généreux défenseur du groupe. D'ailleurs, dès le début, le fait qu'il soit aimé, malgré ses défauts apparents, par une jeune femme tout à fait raisonnable, nous laisse supposer qu'il n'est pas aussi méchant qu'on pourrait le croire. En revanche, le shérif, forgeron de son état, à la bonne tête d'Américain élevé aux céréales, jette hors de la ville les prostituées du saloon, comme tout bon Républicain partisan de l'ordre moral. Il est aidé dans sa tâche de nettoyeur par le pasteur dont le visage de fouine ne dit rien qui vaille; et pourtant cet homme de Dieu à l'esprit particulièrement étroit dévoile un courage inattendu lorsque le village est attaqué par les Apaches. Ceux-ci sont d'ailleurs loin d'être des enfants de chœur : vous n'êtes pas près d'oublier la séquence où is surgissent, tels des diables le corps couvert de peinture rouge, aux lucarnes de l'église encerclée, et se laissent tomber au beau milieu des villageois réfugiés dans le bâtiment. La cavalerie interviendra au bon moment pour sauver tout le monde, mais le capitaine, blessé, ne jouera pas le rôle héroïque attendu.
On a ainsi l'impression que Fregonese a tout fait pour que son spectateur reste constamment attentif, surpris, intéressé. Le tout est réglé en 1h20, ce qui fait du bien à une époque où la moindre comédie qui se voudrait enlevée dure 2h30...
dimanche 14 juillet 2013
CORY MONTEITH
L'interprète de Finn dans GLEE est mort. Je suis triste...
jeudi 11 juillet 2013
JOHNNY DEPP
Johnny Depp est certainement l'un des meilleurs acteurs de sa génération. Il restera dans l'histoire du cinéma l'inoubliable interprète d'Edward aux mains d'argent.
Pourtant, depuis quelque temps, sa carrière paraît prendre une mauvaise tournure, tout simplement parce qu'on ne le "voit" plus: il semble avoir décidé de se cantonner dans les rôles de composition histrioniques, où son véritable visage disparaît. Si l'on excepte The Tourist, qui est loin d'être un chef d'œuvre, Depp n'a tourné que des films où il se cache derrière d'épaisses couches de maquillage et sous des perruques improbables et des fripes hallucinantes.
The Tourist |
On loue évidemment partout son sens du burlesque qui le rapproche des grands acteurs du muet et il faut lire à ce propos l'intéressant livre que lui a consacré Fabien Gaffez Le Singe et la Statue, chez Scope.
Alice au pays des merveilles |
Charlie et la chocolaterie |
Dark shadows |
Pirates des Caraïbes |
Sweeny Todd |
Mais le récent bide enregistré aux États-Unis du western Lone Ranger où il joue le rôle du célèbre Tonto laisse penser que les spectateurs en ont un peu assez de voir Johnny Depp constamment grimé. Rendez-nous le Dillinger de Public Enemies, ou le Paul Kemp de Rhum Express.
Lone Ranger |
Public Enemies |
Rhum express |
mercredi 10 juillet 2013
STARBUCK
S'il y a bien quelque chose que je ne supporte pas au cinéma, c'est d'avoir l'impression d'être le scénariste-dialoguiste-réalisateur du film que je suis en train de regarder, autrement dit de ne pas être surpris. Quand la réplique que je prévois arrive, quand l'image que j'attends apparaît, je me fais la réflexion suivante: "C'est pas possible de ne pas avoir plus d'imagination que moi!" et ça m'énerve de voir que des professionnels sans talent ont eu les moyens de concrétiser leurs petites idées, alors que tant d'autres rencontrent les pires difficultés pour réaliser les leurs.
Starbuck de Ken Scott est un film à un neurone, un seul, ce qu'on appelle "le pitch": le héros (évidemment un anti-héros d'aujourd'hui, un quadragénaire attardé à la Jude Apatow) est le père biologique de 533 enfants. Voilà, c'est tout, vous avez vu le film, passez votre chemin. Le "si pittoresque accent" de nos "cousins du Québec" ne rend pas drôles des répliques d'une platitude affligeante. L'interprétation est quelconque: le rôle du copain avocat raté est tenu par un acteur dont j'ai bien vite oublié le nom tant il est mauvais.
Le plus insupportable de tout est le pathos artificiel dans lequel on baigne pendant plus d'une heure et demie. Pas une scène sans embrassade, sans larme; on a droit à tous les clichés sur la tolérance, la différence que l'on doit accepter.
A remarquer que la mère est totalement absente de cette édifiante histoire sur les vertus de la famille: vers la fin, un être transparent, diaphane accouche d'un bébé. On avait fini par penser que seul le sperme (dont il est abondamment question dans le film) était à l'origine de la vie. Derrière certains films de ce type, qui se veulent "corrosifs", se cache l'esprit le plus réactionnaire qui soit.
Le film a remporté un triomphe au Canada, un certain succès en France (500 000 spectateurs, mais c'est pas le Pérou quand même) et 3 (trois) remakes sont prévus....
Quelques motifs de consolation: le film a été descendu en flammes par les critiques du Monde et de Libération. Positif n'en parle même pas (excellent signe...). Télérama lui a accordé deux T, "film à ne pas manquer"... Cherchez l'erreur...
mardi 9 juillet 2013
QUE MA JOIE DEMEURE
J'ai vu hier en DVD, avec près d'un an de retard par rapport à sa création théâtrale, le spectacle d'Alexandre Astier Que ma joie demeure, consacré à Jean-Sébastien Bach. Évidemment, on y retrouve l'aspect comique de la série Kaamelott, basé sur le décalage entre le sérieux canonique du sujet traité et le niveau de langue utilisé. Ce ressort à nouveau employé ici permet à Astier non seulement des trouvailles verbales fort amusantes, parfois faciles, mais surtout il rend les personnages étrangement proches de nous, humains et non engoncés dans leur légende ou leur histoire. Astier rend le roi Artur ou le compositeur Bach souvent grossiers, jamais vulgaires.
Mais ce qui m'a paru le plus intéressant dans ce "one man show", c'est la réflexion engagée sur la création artistique, ici musicale. Bach apparaît comme un musicien obsédé de technique, de régularité et Astier nous ébouriffe par sa connaissance érudite du solfège et des instruments, de l'orgue en particulier. Il nous montre par là qu'on ne s'improvise pas artiste, qu'on n'est pas doué "naturellement" ou par opération divine, que tout art repose avant tout sur une grammaire; même s'il peut arriver que, parfois, l'inspiration naisse de la disposition de miettes de pain dans une boîte en fer blanc, ces miettes figurant des notes sur une portée. Mais la ligne musicale ainsi découverte par hasard va être travaillée longuement par le compositeur avant de lui donner entière satisfaction. Bach remerciera Dieu de lui avoir apporté le don initial par l'entremise prosaïque des miettes, mais l'œuvre finale sera le fruit de son intense travail.
Cependant, cette soif de cadence, de mouvement régulier, d'application stricte du solfège, souvent illustrée par des dessins au tableau, n'est pas synonyme de froideur technicienne: Bach ne se contente pas de respecter des règles, et de broder interminablement sur deux notes dans des contrepoints ou des fugues infinis, en variant les demi-tons ou les clés. Cette véritable phobie de l'irrégularité, ce besoin maladif de se réfugier dans la contrainte, le spectateur découvre rapidement d'où Astier les fait naître: Bach a perdu huit enfants dont le cœur s'est soudain emballé. Leur vie s'est enfuie parce que l'un de leurs organes n'a plus obéi à la la loi. Les différentes parties d'un corps humain doivent être en parfait état de marche, comme les innombrables parties de ces orgues que Bach est chargé d'expertiser. La qualité de l'instrument - clavier, tuyaux, tirettes - est essentielle à la qualité de la musique.
Au beau milieu de son travail créatif, il arrive souvent à Bach de s'interrompre parce qu'il a cru entendre son bébé pleurer. La vie est plus importante que l'art.
Cet homme, contraint de donner des leçons de musique à un public d'ignares qu'il méprise, est aux ordres des puissants dont il dépend financièrement; il est aussi un hypocondriaque, que sa propre santé inquiète et qui répète à plusieurs reprises sur différents sujets: "Je ne sais pas".
Voilà un spectacle qui fait rire et qui, mine de rien, nous fait réfléchir sur la condition d'artiste: on est loin de la conception romantique du créateur inspiré et exhibitionniste, guide messianique du peuple. Bach est un homme comme les autres, surtout pas un "original" narcissique: il se trouve qu'il est "simplement" un génie...
samedi 6 juillet 2013
NOSTALGIA
A l'heure des départs en vacances, des départs à la retraite, des bilans d'une année ou d'une vie, un grand vent de nostalgie souffle emportant les années, celles qui nous précédent, tristes ou heureuses, celles qu'il nous reste à vivre, et dont on ne sait, fort heureusement de quoi elles seront faites.
Me vient alors en tête le fameux Je me souviens de Georges Perec.
Je me souviens du premier livre que j'ai lu, Pipo chevalier sans reproche...
... à moins que ce ne soit Godefroy petit page.
En tout cas, c'était la Bibliothèque Rouge et or, tellement plus élégante que la Bibliothèque verte, et qui se déclinait en deux collections : "Dauphine" en petit format, "Souveraine", en grand format...
Je me souviens de L'Avare de Molière dont mon instituteur de CE 2 nous avait fait apprendre par cœur l'entrée en scène d'Harpagon: "Hors d'ici tout à l'heure et qu'on ne réplique point..."
Je me souviens du premier film que j'ai vu au cinéma et qui m'a fortement impressionné:
Ai-je imaginé la scène du prisonnier réduit à vivre dans un tonneau renversé comme une niche de chien? Existe-t-elle vraiment, cette image terrible? Nos souvenirs sont quelquefois imaginaires.
Je me souviens des terreurs nocturnes de mon enfance, causées par Belphégor et le commissaire Bourrel...
Je me souviens de la revue de propagande communiste que mon grand-père maternel lisait religieusement à la maison: Études soviétiques...
... tandis que mon autre grand-père préférait s'adonner aux joies du tiercé avec sa fascinante pince perforatrice. Il passait des heures à mettre sur pied des martingales impossibles...
Notre personnalité, que nous croyons avoir forgée de toutes nos réflexions individuelles, est ainsi faite de ces illusions de tous ordres que nous recevons en grandissant dans un certain milieu.
Si je n'avais pas eu comme compagnons d'enfance les imaginaires Pipo ou Godefroy, si je n'avais pas lu à dix ans Molière, si je n'avais pas tremblé de peur devant la cruauté humaine et l'obscurité du Louvre nocturne, si je n'avais pas cru à certaines utopies, serais-je ce que je suis?..
mercredi 3 juillet 2013
GLEE
De toutes les séries télévisées américaines diffusées en France, la seule dont je ne manque aucun épisode, grâce aux coffrets DVD, est Glee.
D'abord, parce qu'elle est l'unique, à ma connaissance, à aborder un genre que j'adore au cinéma: la comédie musicale ou musical. On ne compte plus les héros policiers ou détectives (hommes, femmes, Noirs, Blancs, en groupes, solitaires, à New-York, à Miami, cherchant partout des os ou des poils pubiens) : une véritable indigestion d'enquêtes, de meurtres, de fines déductions ou de coups de revolver catégoriques. Dans Glee, l'épisode-pilote a eu le culot de présenter un prof d'espagnol exerçant dans un petit lycée du fin fond de l'Ohio, parlant très mal la langue qu'il enseigne et essayant de reconstituer une chorale dévastée par l'éviction du précédent responsable, accusé de serrer d'un peu trop près les jeunes gens.
Will Schuester, le prof d'espagnol (Matthew Morison) |
Comme dans tout bon vieux musical qui se respecte, l'intrigue est basée sur un work in progress: les répétitions vont amener le groupe de débutants ringards jusqu'aux championnats nationaux des chorales de lycées. La tradition de la comédie musicale, d'An American in Paris à Singing in the rain, admet que les chansons ne soient pas originales, mais reprises de succès déjà établis: c'est le cas dans Glee où les airs que l'on entend sont tous des tubes contemporains ou de grands standards du genre.
Mais là où la série devient vraiment intéressante, c'est dans sa façon d'imbriquer la fiction et la réalité de manière complexe et inattendue: ainsi, l'un des acteurs principaux, Corey Monteith, joue un piètre danseur. Dans la réalité, l'interprète est lui-même raide, empesé dès qu'il esquisse un pas chorégraphié. Le scénario joue de cette faiblesse pour en faire un des ressorts de certains gags.
Finn Hudson, le "mauvais danseur" (Corey Monteith) |
Kurt Hummel (Chris Colfer) |
Blaine Anderson (Darren Criss) |
Quant au personnage du handicapé sur son fauteuil roulant, il est joué par un acteur qui dispose de l'usage de ses quatre membres.
En fait, la série oscille sans cesse entre le 1er degré, qui n'hésite pas devant le pathos le plus mélo, et l'auto-caricature. Dès que Kurt est ému, il verse une petite larme et il prend bien soin de préciser qu'il est toujours en train de pleurer. Comme la chorale présente deux homosexuels, deux homosexuelles, une Latino, un Chino, un handicapé, un chrétien quasi-intégriste, une blonde dans toutes les acceptions du terme, etc. etc., il n'est pas rare de voir le groupe se qualifier lui-même de chorale pour pub Benetton.
Plus sérieusement, on pourrait ainsi étudier la série sous l'angle de la "conscience de rôle": chaque personnage est en représentation et le précise explicitement. Nous sommes tous des acteurs pour les autres et nous jouons tous sur le "Grand théâtre du monde": Shakespeare, Calderon, Corneille en ont parlé avant Glee.
Autre intérêt de la série: les numéros musicaux. Ils sont tous parfaitement réglés et la chorégraphie est parfois stupéfiante, surtout quand on imagine les conditions de tournage qui doivent être celles d'une production "à la chaîne." Et chaque épisode contient quatre ou cinq chansons, ré-orchestrées, enregistrées, mises en scène. Il est vrai que, pour les solos, la caméra a plutôt tendance à se contenter de tourner autour de l'interprète; mais à côté de ces quelques signes de paresse, que de trouvailles! Il y a plus d'idées dans un épisode de Glee que dans toute une saison des Experts...
Cette série qui apparemment prône la croyance dans le rêve américain ("Allez jusqu'au bout de vos rêves" ne cesse de répéter le professeur à ses élèves) nous montre aussi que ces lycéens seront en réalité peu nombreux à parvenir à réaliser leur souhait le plus cher: à la fin de la 3ème saison, l'héroïne, Rachel Berry, dont l'idole est Barbra Streisand, sera certes acceptée dans une grande école new-yorkaise pour y suivre une formation à l'art de la comédie musicale; mais la candidature de son condisciple Kurt sera rejetée. Si la Latino sera admise à Yale, le mauvais danseur se verra contraint d'abandonner toute velléité d'entrer à l'Actor's studio et le bad boy de la chorale s'exilera en Californie pour y nettoyer les piscines des cougars de San Francisco.
Quant à la situation des profs, on peut dire que Glee n'enjolive pas vraiment le tableau: lorsque l'enseignant d'espagnol apprend que son épouse attend un enfant, il se voit dans l'obligation de quitter son poste, tant la modicité de son salaire ne lui permet pas de subvenir aux besoins de sa future famille. Et ne parlons pas des multiples pressions financières qui s'exercent sur l'existence même de la chorale.
Rachel Berry (Lea Michele) |
Quant à la situation des profs, on peut dire que Glee n'enjolive pas vraiment le tableau: lorsque l'enseignant d'espagnol apprend que son épouse attend un enfant, il se voit dans l'obligation de quitter son poste, tant la modicité de son salaire ne lui permet pas de subvenir aux besoins de sa future famille. Et ne parlons pas des multiples pressions financières qui s'exercent sur l'existence même de la chorale.
Paradoxe typiquement américain: cette série très "gay friendly" qui prône la tolérance, l'acceptation de l'autre dans toutes ses différences, et révèle les limites de l'american dream est diffusée sur le network le plus réactionnaire des Etats-Unis: Fox.
mardi 2 juillet 2013
HOUELLEBECQ
Le problème avec Houellebecq, c'est qu'il est très malin. Insupportable et malin.
Insupportable, dès qu'il apparaît avec sa drôle de façon de tenir sa cigarette, presque aussi agaçant que la Nothomb et son chapeau. Comme si aujourd'hui, chaque écrivain se devait d'avoir son image de marque, une sorte de logo transportable.
Malin, parce qu'on ne sait jamais qui parle dans ses bouquins rédigés à la 1ère personne du singulier. Est-il vraiment ce narrateur raciste, prompt à dégainer des idées reçues gênantes de bêtise, ou au contraire est-il l'auteur lucide qui pourfend cette stupidité satisfaite d'elle-même?
Son récit Lanzarote a au moins le mérite d'être court et de pouvoir être lu en une demi-heure, chez Librio (2 euros). N'attendez pas de surprise: c'est la déjà vue mille fois histoire houellebecquienne, déprimante à souhait, qui a pour cadre un club de vacances ennuyeux comme un volcan éteint. Le narrateur, pour passer le temps qui ne passe pas, baise deux Allemandes lesbiennes (mais pas "exclusives") tout en essayant de remonter le moral d'un flic luxembourgeois qui vit en Belgique. Ce dernier, désespéré par ses origines, son métier et son pays d'adoption, sans doute aussi par des problèmes existentiels qu'on ignorera toujours, finira par rejoindre la secte des raéliens, puis sera emprisonné pour pédophilie. Le pittoresque, dont on sent à plein nez qu'il n'est là, comme disent les Anglais, que pour "choquer le bourgeois", est trop artificiel pour être honnête. Le tout en 50 pages chrono, rédigées "à l'arrache", avec des descriptions de l'île espagnole de Lanzarote d'une platitude rare; il paraît que l'édition originale était agrémentée de photos prises par l'auteur. Comme un bon élève qui veut se faire bien voir par les autres dans une cour de récréation, Houellebecq n'oublie aucun mot grossier (on a droit plutôt deux fois qu'une à la litanie: bite, couille, vagin, clitoris). Dans la lignée des Delerm (père et fils), il est aussi un spécialiste du name dropping, tant pour les noms de marques que pour ceux des écrivains. Son héros n'aime pas beaucoup Marie Desplechin, ce en quoi il n'a pas tort (je préfère le frère).
Mais, ces multiples motifs d'agacement mis à part, la question reste intacte: Houellebecq est-il le plus surfait des écrivains des deux derniers siècles (le nôtre et le précédent) ou est-il le Balzac contemporain qui a tout compris à notre époque?
Dans la culture[modifier]
Lanzarote constitue le cadre principal du récit homonyme de l'écrivain français Michel Houellebecq. De même, une partie importante de l'action de La Possibilité d'une île, un autre roman de cet auteur, se déroule sur l'île, lieu chargé en énergie volcanique qui est choisi par la secte des Elohimites pour y établir son ambassade[9].
L'île sert également de cadre au film Étreintes brisées de Pedro Almodóvar, où se retrouve un couple en cavale, et a servi de lieu de tournage des films Enemy (1985), Krull (1983), Un million d'années avant J.C. (1966) et La Route de Salina de Georges Lautner (1971) près des salines de Janubio.
lundi 1 juillet 2013
LES BIJOUX INDISCRETS
Dans le cadre d'un article à venir sur "Diderot écrivain érotique", j'ai été amené à étudier de près Les Bijoux indiscrets: dans le prologue, Diderot dédie son ouvrage à une lectrice imaginaire, Zima, qui semble fort intéressée par la littérature licencieuse de l'époque. J'ai donc lu à mon tour Le Sopha de Crébillon fils, L'Ecumoire ou Tanzaï et Néadarné du même et Les Confessions, pas celles de Rousseau mais celles, imaginaires, de Charles Pinot Duclos.
Première constatation: ces oeuvres dégagent un certain ennui. Elles sont toutes basées sur le principe du catalogue et, après une scène dite érotique, suit une autre scène "érotique"; comme les combinaisons restent tout de même limitées, tant dans le nombre des participants que dans celui des positions adoptées, on a assez rapidement fait le tour de la question.
Deuxième constatation: l'importance des objets. Entre le bijou (autrement dit le sexe féminin), l'écumoire (le sexe masculin), le sopha (champ de bataille des amants), les auteurs semblent avoir pris un malin plaisir à voiler, à gazer (recouvrir de gaze) la réalité crue. C'est tout le charme de ces oeuvres d'être rédigées dans un style XVIIIème à la limite de la caricature. On aimerait parfois que les choses soient dites avec plus de clarté et moins suggérées dans le flou marivaldien. Voltaire disait de Marivaux qu'il "pesait des oeufs de mouche dans des balances en toile d'araignée." Une trouvaille amusante: dans le chapitre du "Bijou voyageur", Diderot raconte les pires "cochoncetés" (dixit Zazie)pornographiques en plusieurs langues, du latin à l'espagnol en passant par l'anglais et l'italien, sans un mot de français. Seule l'édition Folio a osé donner la traduction de ces propos lestes.
Sur ma lancée, j'ai lu Justine ou les malheurs de la vertu de Sade et L'anti-Justine de Restif de la Bretonne. Ce dernier qui voulait écrire un livre dans lequel le sexe ne serait pas synonyme de cruauté à l'égard des femmes, s'est interrompu en cours de route au tout début d'une phrase: "Elle." Il en avait sans doute assez de faire l'éloge enthousiaste de l'inceste, les papas couchant avec leurs filles, les papys avec leurs petits-fils, etc.
Nos illustres ancêtres avaient des fantasmes que plus personne n'ose exprimer aujourd'hui, à une époque où tout est pris tristement au sérieux. Cette littérature du deuxième rang est une joyeuse plaisanterie, un défouloir poli et élégant: les surréalistes, Breton en tête, l'avaient bien compris en considérant le marquis de Sade comme le champion de l'humour noir.
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