Si la fluidité de la narration, la clarté du récit sont les principales caractéristiques du classicisme, alors Sully, le dernier film de Clint Eastwood, est bien une œuvre classique.
Le héros n'en est pas un: c'est un pilote d'Airbus qui, après 42 années de bons et loyaux services, continue à faire son travail sans passion exubérante mais avec la maîtrise parfaite de son appareil, de ses réactions et la conscience lucide de son immense responsabilité. C'est Tom Hanks, qui s'améliore de rôle en rôle et qui s'est fait ici la tête du vrai commandant de bord que l'on découvre au générique final.
Sully (c'est son surnom) est appelé à témoigner et à se défendre devant une commission d'enquête désignée par les compagnies d'assurances, - commission dans laquelle on reconnaît la Mme White de la série Breaking bad et le père de Kurt dans Glee: on lui reproche curieusement d'avoir sauvé la vie de tous les passagers et membres d'équipage d'un avion frappé dès le décollage par une nuée d'oiseaux et ne disposant plus d'aucun moteur. Selon le protocole et les ordres donnés par la tour de contrôle, le commandant aurait dû rejoindre l'aéroport de La Guardia; son instinct, son expérience lui font rejeter cette solution et tenter d'amerrir sur l'Hudson, ce qui n'a jamais été fait avant lui. Si les gens dans la rue voient en Sully un véritable héros, ce qui surprend beaucoup ce paisible pré-retraité, en revanche les simulations numériques démontrent que le retour sur l'aéroport d'origine était possible et que le commandant a pris des risques inconsidérés.
Celui-ci va alors montrer que les simulations ne prennent pas en compte un facteur essentiel: le facteur humain face à une situation totalement inédite, non prévue dans "les règlements".
Le film n'est pas une ode à l'héroïsme individuel: il insiste au contraire sur la parfaite osmose entre le pilote et le co-pilote, et surtout sur la nécessaire intervention combinée de tous les sauveteurs au moment où l'avion percute les eaux glacées de l'Hudson.
L'accident est d'abord vu à travers les cauchemars de Sully, qui ne peut qu'être marqué par le rapprochement évident avec les événements du 11 septembre, puis montré à plusieurs reprises: la reconstitution de l'événement est parfaite, les phobiques des transports aériens sont priés de s'abstenir.
Un film humaniste donc, qui exalte la solidarité, le travail bien fait, l'humour aussi et questionne la validité de la confiance accordée aveuglément aux outils nouveaux de notre ère numérique. Entre l'ordinateur et la décision humaine, Eastwood n'oublie pas le rôle du jugement de l'homme, formé par l'intelligence et l'expérience. Est-ce bien un défenseur de Trump qui a réalisé ce film?
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