mercredi 23 octobre 2013

LA VENUS A LA FOURRURE


Un film de 1h36 qui paraît durer 3 heures...

Une situation de départ - transposer les rapports sado-masochistes dans le monde du théâtre entre une comédienne et son metteur en scène est un "pitch" digne d'un court-métrage; de là à en faire un long... - et une situation de fin, prévisible dès le premier quart d'heure. Entre les deux, quelques rares répliques intéressantes, noyées dans un bavardage de quasi-boulevard.
L'un des graves problèmes du dernier film de Polanski (80 ans) est que la pièce dont il est tiré - de David Ives - est de médiocre qualité et que le spectateur a toujours une longueur d'avance sur l'intrigue. Ca tourne en rond, c'est répétitif, peu nouveau dans son propos sur les liens de domination homme-femme.
Autre problème: l'interprétation. Emmanuelle Seigner n'est crédible ni en comédienne cachetonneuse d'une vulgarité surjouée, ni en héroïne de Masoch. On est gêné constamment par cette question qui nous taraude: quand elle joue mal, est-ce volontaire ou non? Amalric s'est fait la tête de Polanski jeune, c'est plutôt une réussite, mais son jeu s'arrête là.

Heureusement, divine surprise: de ce matériau sans grand intérêt, Polanski parvient à en faire parfois quelque chose: quelques éclairs de mise en scène nous confirment qu'il a encore de beaux restes.
Regardez le film jusqu'à la fin: l'avant-dernière scène est la plus grotesque que l'on ait vue depuis longtemps au cinéma. La dernière et le générique final sont d'une platitude indigne du grand Roman.

mardi 22 octobre 2013

MA VIE AVEC LIBERACE

C'est le deuxième film que Soderbergh consacre au spectacle du nu masculin.
Son premier opus, immédiatement distingué à Cannes, s'intitulait Sexe, mensonges et vidéo. Magic Mike et Ma vie avec Liberace auraient pu également porter le titre inaugural d'une œuvre protéiforme. Les deux films ont été tournés en numérique, le second a été produit par une chaîne de télévision américaine - les producteurs hollywoodiens ont été effrayés par le sujet - et il y est question à chaque fois des rapports complexes entre le sexe et le mensonge.
Dans le premier, les mâles jouent le désir sexuel pour provoquer parmi leurs spectatrices un simulacre de plaisir. Comme l'a écrit Alain Masson dans Positif, l'obscénité est en fait dans la salle, parmi ces femmes hurlantes qui surjouent, tout autant que les strip-teasers sur la scène, les rapports amoureux. Le mensonge est l'essence même du show: ici, chacun joue le rôle qui lui a été attribué de part et d'autre de la rampe. Il est interdit de franchir la ligne, d'oublier qu'on est au théâtre, comme le précise bien le meneur de jeu qui fixe les règles dès le départ: il s'agit de regarder et non de toucher. Le spectacle n'est pas la vie. La vie est-elle un spectacle? Calderon, Shakespeare et d'autres l'ont prétendu avec raison.
Dans Liberace, il s'agit aussi de mensonge: les spectatrices sont volontairement dupes de la comédie jouée par le pianiste au comportement de "folle tordue". Personne ne veut voir la réalité en face, y compris les deux héros qui se masquent la vérité de leurs relations: le personnage interprété magnifiquement par Matt Damon refuse certaines pratiques qui le dégoûtent et se prétend bisexuel. Il va jusqu'à tenter de fondre son véritable visage dans celui de son protecteur. Le titre original Behind candelabra indique bien qu'il y a quelque chose à chercher derrière les apparences du clinquant.
Dans les deux films, il est également beaucoup question d'argent: les femmes, aujourd'hui économiquement libérées de la tutelle de leurs maris, paient pour voir de la chair masculine; et l'opulence dans laquelle vit Liberace n'est pas étrangère à la fascination qu'il exerce sur son jeune amant.
Ces deux œuvres de Soderbergh brassent quantité de thèmes mais n'oublient jamais qu'elles sont des divertissements, des spectacles, et dans la salle de cinéma, par un effet intéressant de mise en abyme, nous sommes tout aussi fascinés que les fans de Mike ou de Liberace.