lundi 25 septembre 2017

120 BATTEMENTS PAR MINUTE

Trois fils narratifs s'entremêlent dans le film de Robin Campillo, dont l'action se situe au début des années 90: d'une part, et c'est le plus intéressant, les discussions interminables, conflictuelles, habilement dialoguées et interprétées, entre les membres de l'association Act'Up Paris; d'autre part, la mise en images, sous forme de flash-back ou de flash-forward, de quelques projets issus de ces discussions: le plus souvent, des actions spectaculaires qui donnent lieu à des "débriefs" au cours desquels l'efficacité ou la violence des interventions auprès notamment des laboratoires pharmaceutiques sont mises en doute, ce qui entraîne de nouvelles prises de parole passionnantes. Enfin, dernier volet, l'histoire d'amour entre deux des garçons engagés dans le combat contre le SIDA, Nathan et Sean: l'un est séropo, l'autre pas.
La mise en scène et le montage parviennent à lier ces trois narrations de manière à brosser une fresque du mouvement revendicatif dont le but est de forcer l'industrie et le pouvoir politique à prendre en compte la réalité de la maladie et à engager des moyens suffisants pour la combattre.
Apparaissent parfois des séquences oniriques, comme le fleuve de sang, qui concrétisent certains rêves fous et irréalisables de l'association dont le mode d'action essentiel reste la spectacularisation de la lutte.
Le film peu à peu se calme, les 120 battements par minute de la musique s'apaisent et la mort de l'un des deux protagonistes est montrée comme rarement au cinéma: celui qui va mourir a peur et n'a pas de message définitif et pathétique à délivrer ou de dignité factice à exhiber. La réconciliation avec l'un des responsables d'Act'Up, compagnon de tant de combats mais dont il s'est éloigné, est même impossible.
Pourtant, la vie et l'amour finissent par remporter la victoire: Campillo filme la dernière scène de sexe à l’hôpital comme une Pieta, et les préoccupations banales d'après la mort d'un proche avec un réalisme quotidien dépourvu de toute grandiloquence mélodramatique. Le survivant n'oublie pas son amant mais ne veut pas se passer de l'amour.
Même si certaines reconstitutions de la Gay pride souffrent d'un évident manque de moyens, le film touche avant tout par sa réussite à transcrire l'esprit d'une époque, les mentalités et les comportements d'un moment de notre histoire. Il est servi par des comédiens extraordinaires dont Adèle Haenel qui parvient à s'intégrer magnifiquement à une bande d'acteurs inconnus.