mercredi 30 novembre 2016

LE DISCIPLE

Glaçant...
La pièce de théâtre d'origine est allemande, le film est russe, la situation qui y décrite pourrait être bientôt celle de la France.
Veniamin est un lycéen fanatique: ses propos sont presque uniquement constitués de citations de la Bible, dont le réalisateur Kirill Serebrennikov prend bien soin de donner les références exactes en surimpression sur l'image. Dans la version authentiquement originale, le texte apparaît en cyrillique. Appliquant à la lettre les préceptes du texte sacré qu'il connaît par cœur, le jeune homme à la beauté froide refuse de se dévêtir à la piscine, conteste l'enseignement de la théorie de l'évolution, rejette la jeune fille intéressée par lui. Il reproche son divorce à sa mère totalement dépassée par le rejeton à qui on a envie de donner des claques et trouve le pope attaché à l'établissement un peu trop mou. Un intégriste, quoi.
Un intégriste qui plonge tout habillé dans la piscine pour se faufiler entre les cuisses de ses camarades de classe féminines, quand il ne passe pas ses mains sur celles de son copain sous prétexte d'allonger une de ses jambes plus courte que l'autre.
Il rend fous ses professeurs, l'administration du lycée, et peu à peu parvient, par ruse et manipulation, à retourner la situation à son profit: parents, religieux, personnel de direction, professeurs vont tous s'unir derrière lui contre la seule qui résistait encore à ce dangereux jeune homme, la prof de biologie.
Le film se termine sur un projet de meurtre mais c'en est un autre qui sera commis par ce fou de Dieu.
Les cours ont lieu sous la photographie de Poutine, une officine de police privée assure la surveillance de l'établissement, la prof de bio, accusée d'attouchements sur la personne de Veniamin, est virée par sa directrice sans autre forme de procès (le lycée semble jouir de l'autonomie de recrutement de ses enseignants), la mère de l'hystérique doit assurer trois emplois différents pour subvenir à ses besoins, le pope a son mot à dire aux conseils d'administration et de discipline: toute ressemblance avec une situation réelle ou à venir serait fortuite. 


mercredi 23 novembre 2016

PREMIER CONTACT

Le début est intéressant. Des extra-terrestres débarquent. On l'a vu mille fois (au cinéma) mais c'est toujours aussi efficace. Et puis, ces extra-terrestres s'expriment de façon originale: ils projettent des cercles d'encre au visage de leurs interlocuteurs. Et c'est là que ça commence à ne plus fonctionner. En moins de temps qu'il n'en faut à un prof de maths pour résoudre une équation du 3ème degré, la linguiste habilitée "Secret défense" décrypte leur langage au point d'établir un dictionnaire numérique lui permettant de composer des phrases. Comment les heptapodes (puisqu'ils ressemblent à des poulpes avec leurs tentacules) comprennent-ils l'anglo-américain de nos héros? Le film ne tentera jamais de nous l'expliquer. Mais le problème n'est pas là. Ces êtres étranges venus d'ailleurs sont pacifistes (ils n'aiment pas la guerre: étonnant, non?) et, généreusement, veulent que la paix règne sur terre entre tous les hommes de bonne volonté; cependant, les vilains Chinois et les pas très gentils Russes ne sont pas vraiment d'accord et jouent cavaliers seuls pour connaître les buts secrets des étrangers. Tout finira bien, avec une réception genre celles de l'ambassadeur, où tous les anciens rivaux se retrouveront.
Les vaisseaux spatiaux s'étant posés en plusieurs endroits de la planète, on a donc droit à des images des différentes télés des régions paniquées: bizarrement, dans ce film qui se veut universaliste, toutes les BFM du monde parlent anglais...
On se croirait dans un bon vieux nanar de science-fiction antisoviétique des années cinquante, avec une grosse louche de philosophie post-moderne brouillardeuse. Et un ennui intersidéral que la musique pseudo Arvo Part ne fait que renforcer. Des ellipses initiales et des flash-back par la suite évoquent le drame subi par la linguiste, mais elle renaîtra à la vie grâce à Jeremy Renner, toujours aussi expressif.
On préfèrera revoir La Chose d'un autre monde, 2001 L'Odyssée de l'espace (le vaisseau spatial est pompé sur le monolithe de Kubrick) ou Rencontres du 3ème type, beaucoup plus poétique et fascinant.
A propos du dernier opus de Denis Villeneuve, on a entendu que c'était le premier film de science-fiction traitant du présent...et de géopolitique: on croit rêver.


dimanche 13 novembre 2016

LE CLIENT



L'histoire est intéressante: le film a remporté le Prix du Scénario à Cannes. Les acteurs sont épatants: Shahab Hosseini a reçu le Grand Prix d'Interprétation masculine à ce même festival. Et pourtant, on ressort de la projection du Client assez déçu. On n'arrive pas à s'attacher à des personnages trop désincarnés pour nous émouvoir. Les symboles sont démonstratifs: l'immeuble métaphorique qui manque de s'écrouler et les fissures comme autant de failles souffrent de lourdeur. A moins d'être un lecteur de Miller, la mise en abyme du théâtre dans le cinéma ne paraît guère pertinente. Que veut dire exactement le film? Que tout le monde traîne sa culpabilité et que personne n'a le droit de s'ériger en juge? Le personnage principal qui se sent humilié par ce qui est arrivé à sa femme (que s'est-il passé précisément dans la salle de bain?) humilie en retour un de ses élèves et un vieil homme pitoyable. Le fait que le film se passe en Iran n'a pas une grande importance et on est loin de Taxi Téhéran. Un film presque aussitôt vu qu'oublié.

lundi 7 novembre 2016

UNE VIE

DES DANGERS DE LA RADICALITÉ ...


Après le magistral Loi du marché, Stéphane Brizé déçoit avec son adaptation radicale d'Une vie, le roman de Maupassant.  Le film repose sur un certain nombre de partis pris qui, une fois découverts par le spectateur, donc attendus, deviennent vite ennuyeux. Ainsi des dialogues qui sont, tous, dits suivant une intonation moderne: pas de grossièretés ou d'approximations jeunistes, mais une suppression systématique des négations et surtout une diction contemporaine. Voulant nous rapprocher du texte, Brizé l'éloigne de son auteur et de l'époque de l'action.
Même esprit de systématisation dans l'alternance vite lassante des plans de nature grise où l'héroïne rumine son mal être et des images ensoleillées du bonheur d'autrefois.
A plusieurs reprises, la mort des personnages est traitée de la même façon par des ellipses dont certaines sombrent dans le ridicule: la mère, épuisée, trouve que la journée est belle, et le plan suivant nous montre sa tombe. Mari, femme et amant plaisantent ensemble et le travelling qui suit nous fait découvrir leurs cadavres ensanglantés.
On est donc devant un film magistralement interprété par Judith Chemla, Jean-Pierre Darroussin et Yolande Moreau, mais qui manque cruellement de vie et d'émotion car il semble être la lourde mise en place de théories trop longuement pensées.