Un film plein de fulgurances comme le titre original l'indique: "Feux d'artifice en plein jour". On entre dans un tunnel par une belle journée; on en sort, il neige. Des membres humains, éparpillés aux quatre coins de la région, sanguinolents dans du charbon noir. Une fusillade au beau milieu d'un salon de coiffure. Une patinoire en plein air, la nuit, où l'on se casse la figure sur une valse de Strauss. Un mot mystérieux laissé dans une voiture avec le numéro d'un bus.Un meurtre à coups de patin à glace. Une teinturerie dans une ville chinoise glauque. Une grande roue dans un parc d'attractions désert. Un flic. Une femme.
L'intrigue est sinueuse mais pas incompréhensible. Comme tout bon polar, c'est un tableau de la société. Et le film ne vous donne guère envie de partir vivre en Chine.
Il arrive parfois à Clint Eastwood de ne pas être très sobre et de s'adresser à une chaise vide: il vaut mieux oublier cet incident pathétique de la dernière campagne électorale américaine et courir voir son Jersey Boys. Pour ceux à qui le titre et le thème tiré d'un "musical" feraient peur, ce n'est pas une comédie musicale où les personnages expriment leurs émotions en chantant et en dansant: c'est le "biopic" à trois voix (manque étrangement celle du personnage principal) d'un groupe des années 60, "The Four Seasons", dont l'inculture attachante leur fait imaginer que Vivaldi est sans doute un Italien proche de la Mafia, comme ils le sont eux-mêmes. Inculte moi-même, j'avoue que je n'avais jamais entendu parler de ce groupe avant de découvrir, dans le film, qu'ils avaient créé quelques-uns des grands tubes des années 60 et 70. Fans de Claude François, réjouissez-vous...
Le classique Clint nous offre une belle histoire d'amitié, d'amitié extrême où l'on se dévoue, se sacrifie, où l'on perd tout, sauf le sentiment d'avoir accompli une œuvre, aussi futile soit-elle, mais la futilité n'est-elle pas essentielle? Il y a du Flaubert dans le final amer et désenchanté: "C'est là ce que nous avons eu de meilleur" dit en substance le héros évoquant le plus beau souvenir de sa vie, que nous n'avons pas encore vu et qui va clore le film de manière magistrale. Restez jusqu'au bout du ballet euphorisant, il réserve une surprise. Et avant cette scène, nous aurons eu droit aussi à des retrouvailles émouvantes comme une reprise, peut-être un peu trop sentimentale, du Temps retrouvé. On trouve aussi, dans ce film dont on sort à la fois ragaillardi, plein de nostalie et pessimiste, une auto-citation de l'ancien héros de westerns, un hommage aux deux Douglas, Kirk (Le Gouffre aux chimères) et Michaël (Liberace).
Vous voyez que Clint Eastwood est un chouette type quand il fait du bon cinéma.