C'est un film court, en noir et blanc, au format carré. Voilà déjà qui nous change de la production courante et qui fait souffler un vent presque léger sur ce cinéma pourtant austère.
Même si elle n'est plus ce qu'elle était, la nostalgie est parfois un sentiment bien agréable et, ici, on revient en terrain de connaissance: on se retrouve dans les teintes à la fois mélancoliques et pleines d'espérance des films de la grande époque des cinéastes "de l'autre côté du rideau de fer". En redécouvrant son pays, la Pologne, P. Pawlikowki a voulu en revisiter le cinéma, tout en se gardant d'un simple copiage ou d'une relecture post-moderne. Le spectateur est plongé dans les années de déstalinisation, dans la renaissance du sentiment religieux (si tant est qu'il ait jamais disparu), surtout dans les souvenirs sordides de l'antisémitisme polonais. Le réalisateur nous parlerait-il d'aujourd'hui à travers le filtre d'une situation qui paraît révolue? Le passé est en effet toujours là, à fleur de peau, à fleur de terre.
Paradoxalement, ce film au rythme lent, méditatif, réserve des surprises scénaristiques qu'il serait maladroit de révéler: tel personnage féminin, la cigarette aux lèvres, le verre d'alcool à la main, la tenue négligée, quitte l'amant d'une nuit; on songe immédiatement à "une femme de mauvaise vie", il n'en sera rien. A un autre moment, alors que l'écran est vide de toute présence, et que le tourne-disques hurle dans une pièce ensoleillée, il se produit un événement étonnant mais cohérent dans l'ensemble de l'œuvre. Quant à la décision finale de l'héroïne, elle surprend aussi tout en étant dans la droite ligne de ce qui a été dit plus tôt dans le film.
Ida est un moment merveilleux d'élégance et de réflexion, où le réalisateur sait arrêter son plan juste au moment où il risquerait de tomber dans le formalisme ou le didactisme. Ça s'appelle la grâce.