jeudi 29 août 2013

GRAND CENTRAL

Voici un film intelligent, mais peu intéressant.
Rebecca Zlotowski a vu des films, plein de bons films, elle les a vus, revus, étudiés, elle les aime, c'est sûr,  et elle aimerait en faire d'aussi bons. Elle a donc des idées mais ces intentions, elle a beaucoup de mal à les mettre en images et en mots. Bref, Grand Central est un film à thèse(s), mais déshumanisé. Ce qu'on pourrait appeler un film "intello", si le mot n'était pas aujourd'hui bêtement galvaudé.
Il me semble répondre à un double principe, et un film à principes n'annonce rien de bon.
Premier principe: l'allusion. Entre gens cultivés, entre cinéphiles de bon goût. Heureusement qu'il y a des gens cultivés et de goût, mais on ne leur demande généralement pas de faire des films ou des livres; on leur demande, et c'est déjà énorme, de les voir ou de les lire. Le titre fait allusion à la célèbre gare américaine, décor de tant de polars; le film, lui, se déroule dans et autour d'une centrale nucléaire. C'est de l'humour de salon. Les noms de Toni, de Manda rappellent les films de Renoir ou Becker, la grande époque où le cinéma français s'intéressait au "social". Rebecca Zlotowski, elle aussi, s'intéresse au social. Elle n'a pas tort bien sûr, mais les gros sabots ne sont pas de mise quand on s'aventure dans un monde qui, visiblement, n'est pas le sien.
Deuxième principe: un cheval, une alouette. Le scénario, passées les premières minutes d'exposition, les meilleures du film, est composé d'une alternance, rigoureuse comme un logiciel, de scènes documentaires tournées en numérique et se déroulant dans la centrale, et de scènes champêtres, filmées en 35mm. Pas une seule dérogation à cette véritable loi pour bien opposer, au cas où l'on n'aurait pas compris, les deux mondes: le vilain nucléaire et la belle nature.
Les critiques sont généralement bonnes; cependant, il y a quelques bémols: par exemple, Télérama publie un "pour" et un "contre"; d'autres journalistes évoquent le côté lourdingue du scénario, ou les maladresses du film.
Celui-ci est irréprochable quant à la thèse défendue mais il souffre cruellement d'un manque de chair, malgré les corps dénudés. Même Olivier Gourmet, toujours excellent, a du mal à donner de la consistance à son personnage d'ouvrier.

Donc, on s'ennuie devant ce film trop bien pensant.


lundi 26 août 2013

CINEMA A TURIN

Le musée du cinéma à Turin est installé dans un monument extraordinaire, le Mole Antonelliana. 
Rien à voir avec notre pauvre collection d'objets en rapport avec le cinématographe qu'on peut visiter un jour de pluie du côté de Bercy à la Cinémathèque française. Chez les Italiens, tout est spectaculaire, plein d'intelligence, d'idées de scénographie: bref, on est au cinéma. 
La partie consacrée à "l'archéologie du cinéma" contient des centaines d'appareils ancêtres du 7ème art, et les reconstitutions de certains d'entre eux fonctionnent! On peut donc voir ce qu'ont réellement vu nos aïeux. Je vous laisse la surprise de découvrir le gag final qui termine la projection de la célébrissime "entrée du train en gare de La Ciotat"...
Mais le clou du spectacle, c'est le Temple du cinéma: je n'ai jamais vu ça! Une salle gigantesque, avec fauteuils-transats où on s'installe pour assister à la projection de montages de films et admirer l'immense voûte traversée par le passage de l'ascenseur panoramique. Tout est plongé dans la pénombre, dominé par l'horloge de Métropolis et la statue de Moloch dans Cabiria. Tout autour, des salles consacrées aux différents genres du cinéma: le western, la comédie musicale, etc. De temps à autre, la lumière apparaît: les affiches qui la masquaient se lèvent, les rideaux s'ouvrent et pendant quelques secondes on se retrouve en plein jour; puis tout revient à la pénombre.
  La rampe hélicoïdale qui parcourt la coupole est l'endroit où sont présentées les expositions temporaires: j'ai vu l'expo Scorsese. Pas très passionnante, mais le Vertigo est garanti quand vous longez cette coursive qui plonge dans l'immense vide du Temple.
Un autre étage est consacré à la fabrication d'un film, depuis l'écriture jusqu'aux effets spéciaux. Parmi les objets exposés: le chapeau et l'écharpe de Fellini, le bustier de Marilyn, les chaussons rouges de Powell et Pressburger, et des scénarios annotés (La Nuit américaine, Psycho, Citizen Kane, etc.) 



Pour les cinéphiles, c'est un endroit incontournable dans une ville qui n'a pas la cote qu'elle devrait avoir...